Discours de Philippe Vigier, Président du groupe UDI: Débat sur la motion de censure

Publié le 21 Février 2015

Le 3 juillet 2012, en réponse au discours de politique générale de votre prédécesseur, Jean-Louis Borloo avait annoncé que le groupe Union des Démocrates et Indépendants serait la vigie lucide, indépendante et exigeante de cette législature.

Jamais, depuis, nous n’avons manqué à cette triple exigence. Nous avons ainsi dénoncé avec force les fautes, les erreurs et les errements commises par votre majorité et nous vous avons alerté sans relâche sur les graves conséquences de décisions souvent idéologiques. Pour autant, seul l’intérêt supérieur de la France a guidé notre action. Nous avons par conséquent soutenu les projets de loi, aussi imparfaits soient-ils, lorsqu’ils répondaient à cet impératif et nous nous sommes toujours employés à formuler des propositions constructives pour sortir de la crise.

Lorsque le Président de la République a annoncé le pacte de responsabilité et de solidarité pour améliorer la compétitivité des entreprises et le pouvoir d’achat des ménages, nous avons espéré que la page des deux premières années du quinquennat allait enfin être tournée. Oui, nous avons espéré que François Hollande allait prendre conscience que sa seule priorité devait être d’apporter une réponse efficace pour faire enfin baisser le chômage. Au nom de l’intérêt général, notre groupe avait annoncé qu’il était prêt à soutenir le pacte de responsabilité et de solidarité s’il constituait le sursaut économique et social tant attendu par la France. J’avais exprimé, Monsieur le Premier ministre, à cette tribune, la même bienveillance lors de votre discours de politique générale et de la présentation du programme de stabilité qui prévoit une diminution des dépenses publiques de 50 milliards d’euros d’ici 2017, ce qui avait conduit une majorité du groupe UDI à s’abstenir.

Aussi avons-nous entamé l’examen de ce projet de loi pour la croissance et l’activité avec l’espoir qu’il constitue une chance, oui, une vraie chance de tourner définitivement la page des deux premières années du quinquennat, avec l’espoir qu’il donne des signaux aux créateurs de richesses, qu’il donne de l’oxygène à celles et ceux qui entreprennent, qu’il libère enfin les énergies qui sont étouffées par les contraintes, les normes et les immobilismes. Nous avons pris nos responsabilités en nous engageant sans réserve dans ce débat, avec l’espoir de l’enrichir. Nous souhaitions qu’il permette de dessiner une perspective qui ne s’appuie pas sur des compromis politiques permettant de gagner quelques voix ou de ne pas en perdre, afin que s’ouvre une voie que toutes celles et toutes ceux qui veulent ici œuvrer au service de l’intérêt général puissent emprunter. Une voie que chacun et chacune connaît, celle de la modernisation de la France.

Oui, telle a toujours été notre démarche. Sur ce projet de loi comme depuis le début du quinquennat. Pour autant, nous nous sommes toujours gardés de toute naïveté. Emprunter ce chemin pour servir la France n’était possible qu’à condition que le volontarisme que vous affichiez alors, la volonté de faire bouger les lignes pour faire bouger la France, survivent à l’épreuve de votre majorité.

Je vous l’avais dit, au nom de notre groupe, monsieur le Premier ministre, lors de ma réponse à votre discours de politique générale : vous ne disposez pas de majorité politique nécessaires pour conduire votre mission au service de la France, pour tenir vos engagements. Vous connaissez le chemin, mais il vous est impossible de l’emprunter. Le blocage sur la loi macron en est la triste illustration. En réalité, vous êtes toujours prisonnier du mensonge sur lequel la majorité s’est construite en 2012 et lié par un contrat qui va à l’encontre des intérêts de la France. Ce mensonge originel est celui de François Hollande qui nié la crise et les efforts qu’il fallait demander aux Français et aux Françaises. Ce piège se referme sur vous et votre majorité et vous contraint aujourd’hui à engager la responsabilité du gouvernement en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Vous prétendez qu’il s’agirait pour vous d’assumer vos responsabilités et je vous cite : « La gauche gouverne. Elle doit assumer ses responsabilités. Elle doit les assumer pleinement, et ce gouvernement assume donc pleinement et totalement ses responsabilités. Nous le faisons pour le pays. Nous le faisons pour l’intérêt général, et ici chacun doit prendre conscience de ce que cela signifie ».

Au nom du groupe Union des Démocrates et Indépendants, j’affirme que le recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution est, au contraire, un aveu d’échec, la manifestation de votre impuissance et de votre faiblesse. J’affirme que cet acte constitue la démonstration éclatante que vous avez préféré les intérêts du Parti Socialiste à la France. Avec cet acte, vous renvoyez dos-à-dos l’opposition et la majorité. Vous considérez donc, et je le regrette, qu’il est impossible de transcender les clivages partisans. Avez-vous abandonné l’idée qu’il puisse exister une majorité d’hommes et de femmes prête à œuvrer, sans compromission, au service de la France, sans être bridée par les intérêts partisans ?

Avez-vous définitivement renoncé à construire la maison commune des progressistes que vous appeliez de vos vœux ?

Avez-vous été gagné, monsieur le Premier ministre, par la crainte que ce projet de loi puisse être adopté avec le secours des voix de l’opposition ?

Vous résignez-vous, monsieur le Premier ministre, à l’immobilisme et admettez-vous votre impuissance ?

Pouvez-vous encore dire : « Ma seule mission est d'avancer. Avancer contre vents et marées » comme vous le disiez lors de votre déclaration de politique générale du 16 septembre 2014 ? Je crois malheureusement que vous ne le pouvez plus ! L’incapacité du gouvernement à faire adopter ce projet de loi pour la croissance et l’activité, qui ne contient que de timides avancées, démontre qu’il vous sera impossible de mettre en œuvre les réformes vitales de pour préparer l’avenir de la France.

Prendre vos responsabilités, était-ce vous réfugier derrière les institutions de la République ?

Votre devoir n’était-il pas de mettre ce projet de loi au vote, si vous considériez qu’il était utile pour la France ?

J’appelle d’ailleurs les frondeurs et les frondeuses à faire preuve de la même responsabilité, vous qui avez confisqué ce débat en nous obligeant à assister à l’avant-première du prochain congrès du Parti Socialiste.

A vous les archaïques, qui refusez de voir que le monde a changé, qui voulez construire la France de demain sur la nostalgie, les postures et de slogans, je le dis, prenez vos responsabilités ! Renversez la table autour de laquelle vous êtes confortablement assis ! Votez la motion de censure puisque vous pensez que ce gouvernement a trahi ses engagements !

Monsieur le Premier ministre,

Prenez vos responsabilités, croyez en la force de la vérité, celle des idées, mais aussi et surtout celles des actes. Les Français et les Françaises y sont prêts.

Prenez vos responsabilités, en affirmant une fois pour toutes, sans détours, que les mensonges de François Hollande ont fait perdre plus de deux ans à la France et qu’il vous faut changer radicalement de cap pour que la France puisse relever le défi de la mondialisation.

Prenez vos responsabilités en assumant enfin vos convictions, celles que vous défendiez lors la primaire socialiste, celles en lesquelles vous croyez, celles que vous considériez comme justes et efficaces.

Prenez vos responsabilités et les décisions qui s’imposent pour le pays, en vous affranchissant des intérêts de votre famille politique, avec pour seul horizon la France et non pas les échéances électorales à venir.

Soyez responsables, en répondant de vos actes et de vos échecs, vous qui disiez devoir l’efficacité aux Français et aux Françaises ! Le chômage continue d’exploser, les entreprises continuent de fermer, le pouvoir d’achat est en berne, la dette et les déficits dont le poids est toujours plus écrasant, la croissance est en panne, la défiance ronge la France, qui se réfugie dans la colère ou l’indifférence, et dont la défiance se traduit par le vote extrême et l’abstention.

Elections après élections, le Front National et l’abstention ne cesse de progresser, la République est fragilisée.

Soyez responsable, enfin, en vous imposant un devoir de vérité et de sincérité : pourquoi exercer le pouvoir si vous n’êtes pas en mesure de relever les défis immenses qui s’offrent à la France ?

Alors, je vous le dis, vous prenez le risque d’aggraver la crise morale qui nourrit la défiance vis-à-vis de la parole politique. Ne vous réfugiez-vous pas derrière la Constitution pour poursuivre votre fuite en avant ? Ne tentez-vous pas de rassembler votre majorité contre la motion de censure, à défaut de pouvoir la rassembler autour d’un projet cohérent et courageux.

Monsieur le Premier ministre, n’êtes-vous pas, quelque part, l’otage de votre majorité ?

Cette question est fondamentale car l’ampleur des défis que la France se doit de relever est historique.

Nous devons les affronter la tête haute et le regard droit. Nous devons avancer sans boulets au pied.

Nous le devons à la France, qui a peur des lendemains.

Je pense ici à toutes ces familles, qui ont du mal à joindre les deux bouts, que des fermetures d’usines, des licenciements brutaux, des délocalisations sauvages ont brisé ou qui vivent tous les jours dans la hantise du chômage.Nous le devons aux Français, ces Françaises qui se désespèrent de voir que leur pays est incapable de se réformer en profondeur, et qui sont partagés entre la peur de l’inconnu et leur espoir que la France puisse encore compter dans ce monde en pleine mutation. Vous prétendez qu’il n’existe pas de majorité alternative à la vôtre. Ce n’est pas la vérité. Sur tous ces bancs, je sais qu’il y a des hommes et des femmes prêts à prendre les décisions vitales et urgentes pour sortir de la crise. Nous connaissons toutes et tous ces décisions. Nous savons toutes et tous pertinemment que les désaccords sur ces mesures sont plus liés à des postures, à des promesses de campagne ou à des considérations politiques qu’à un désaccord de fond.

Oui, il y a des hommes et des femmes prêts à préparer l’avenir avec la réforme de l’Etat et des collectivités territoriales – pas celle qui est en train d’être débattue dans l’hémicycle – mais aussi la réforme de la protection sociale et de la santé, la réforme du paritarisme, la transition écologique, la valorisation de la ressource humaine de notre Nation qui sont autant de chantiers qu’il est urgent de lancer et sur lesquels votre majorité piétine depuis le début de ce quinquennat.

Oui, il y a des hommes et des femmes qui souhaitent ardemment retisser un lien avec les Français et les Françaises et à associer, mobiliser et fédérer la nation toute entière autour d’une nouvelle méthode de gouvernance.

Cette méthode de travail reposera sur le dialogue social, la consultation, afin de tirer profit des expériences et des expertises. Elle s’appuiera sur l’écoute, le compromis, le rassemblement le plus large possible, en dépassant les considérations partisanes et corporatistes, pour engager les transformations profondes, pour en faire des mutations irréversibles qui s’inscrivent dans la durée. Elle encouragera la proximité, l’échange de bonnes pratiques, et préfèrera le contrôle et l’évaluation à la multiplication incessante des normes, qui paralyse toutes les initiatives.

Oui, monsieur le Premier ministre, il y a une majorité alternative, faites de femmes et d’hommes qui veulent prendre leur responsabilité, véritablement. Ne voyez pas dans votre impuissance celle de la politique toute entière. C’est en ce sens qu’au nom du groupe Union des Démocrates et Indépendants, j’affirme que le soutien à la motion de censure présenté aujourd’hui ne relève pas d’une démarche partisane. Il s’agit, au contraire, d’un acte de foi en la France, en son énergie formidable, en sa capacité éprouvée à sortir plus forte des épreuves.

Nous croyons tout autant en ses intelligences, en ses talents et sa force de travail. Nous sommes fiers de son attachement viscéral aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

Nous croyons que l’histoire de la France et le Progrès sont intimement liées, et qu’elles ne doivent jamais cesser de l’être.

Monsieur le Premier ministre, cette croyance, que nous avons, je le sais, en commun, vous avez décidé de la faire passer après votre majorité, en engageant la responsabilité du gouvernement.

Vous ne trompez plus personne : votre majorité est dans l’impasse, vous êtes dans l’impasse.

Vous ne pouvez mener à bien les réformes indispensables au redressement du pays

Le quinquennat s’est donc arrêté mardi à 16h25. Depuis, chaque seconde qui passe est malheureusement et irréversiblement perdue pour la France. Aussi, parce que nous ne pouvons-nous résoudre à ce que l’intérêt supérieur de la nation soit plus longtemps pris en otage par votre majorité, nous voterons cette motion de censure.

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