CHANTAL JOUANNO, « EN POLITIQUE, ON AIME BIEN L’IMAGE DES FEMMES MAIS PAS LE SON… »

Publié le 9 Mars 2015

CHANTAL JOUANNO, « EN POLITIQUE, ON AIME BIEN L’IMAGE DES FEMMES MAIS PAS LE SON… »

L’ancienne ministre pose avec une poule pour Marie Claire afin de dénoncer le sexisme. Cette ancienne karatéka n’a pas la langue dans sa poche et n’hésite pas à bousculer ses confrères masculins. Lors du shooting photo « Plus jamais la poule », elle a accepté de répondre à nos questions.

Que vous évoque cette poule ?

J’adore les poules ! Parce qu’elles sont féministes et écologistes ! On l’a souvent utilisée comme symbole de la femme et elle consomme beaucoup de déchets organiques alors quand on met des poules dans des maisons cela réduit les déchets et en plus elles font des œufs qui donnent des protéines et comme je ne mange ni viande ni poisson ça me va bien !

Comment expliquez-vous qu’en politique les attaques sexistes existent toujours ?

Elles sont très ancrées dans la culture comme quelque chose d’assez potache, de bon enfant… un peu comme un mode de relation homme-femme. En France, sur des événements importants comme l’affaire DSK, c’était presque le fait qu’il ait beaucoup d’argent qui a choqué que l’acte en lui-même pour lequel il était accusé. Le politique n’est que le reflet de la population. Aujourd’hui, on lui demande plus d’éthique, plus de morale, plus d’exemplarité, il vote la main sur le cœur des lois sur l’égalité homme-femme et finalement il agit dans le sens inverse. Tous partis politiques confondus.

En tant que femme de pouvoir, avez-vous eu à faire à des attaques sexistes ?

Oui oui… beaucoup ! J’ai été gâtée ! Les trois principales qui m’ont le plus marquée : la rumeur d’une relation avec l’ancien Président de la République Nicolas Sarkozy qui signifiait clairement que j’en étais arrivée là parce que… Dans l’hémicycle, alors que j’étais ministre, un député UMP m’avait traitée de « connasse ». - ceci dit, il arrive aussi à des hommes de traiter d’autres hommes de « connards » à l’Assemblée…- Le pire, c’est quand j’ai été en jupe un peu courte et que je me suis fait siffler. Ce n’était pas méchant mais je l’avais remarqué et demandé qu’on m’écoute. Ce qui m’a le plus choqué, c’est la réaction d’autres femmes qui avaient fait une « contre manifestation » en disant que ce n’était pas vrai, qu’on pouvait se balader sans problème en jupe…

Et dans votre carrière sportive ?

Pas du tout au début. J’ai commencé le karaté avec des hommes qui m’ont formée comme des hommes. Même entraînement, mêmes coups… Par contre quand je suis arrivée en équipe de France, très objectivement, pour être sélectionnée, il fallait être particulièrement bien vue par le sélectionneur, être très proche de lui et ce n’était pas mon cas…

Racontez une expérience sexiste à laquelle vous avez assisté.

Ca va en faire beaucoup ! Ce qui me choque le plus ce sont les expériences sournoises et insidieuses : le fait de ne pas être écoutée, quand une femme prend la parole pendant une réunion et que tout d’un coup il y a un brouhaha… dans une émission de radio quand un homme hausse le ton pour qu’on ne puisse plus entendre la femme...

A quel moment un propos devient sexiste selon vous ?

Il y a deux caractéristiques : quand il y a stéréotype au sens propre et quand l’objectif premier de la remarque est de dévaloriser la femme. Le caquetage est extrêmement symbolique parce qu’il est stéréotypé (la femme qui parle avec sa petite voix aigüe) et dévalorisant (« Cause toujours tu m’intéresses »).

Comment lutter contre le sexisme ?

Il y a un travail de base à faire sur la déconstruction des stéréotypes dès le plus jeune âge. Dans les jouets, les livres… Réaffirmation de l’égalité des droits, notamment sur le droit des femmes à disposer de leur corps… Le plus important est de ne rien laisser passer. J’aime bien aussi renvoyer la balle. J’aime m’amuser à renverser la situation et attaquer les hommes sur leur physique par exemple. Ils n’aiment pas du tout !

Par Claire Schneider

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