Quand… Georges Pompidou était Président !!! … SUiTE ….
Publié le 7 Mai 2017
En ce deuxième tour de présidentielle, portrait d’un président atypique
L’AFFAIRE MA RKOVIC
C’est alors qu’éclata la diabolique affaire Markovic3. Elle visait à démolir Pompidou en salissant l’image de son épouse. Les RG avaient fabriqué des photomontages montrant Claude Pompidou dans des postures scabreuses. Celle-ci recevait des lettres anonymes ordurières et était au bord du suicide. Seule la solidité du couple Pompidou leur permit de surmonter une épreuve aussi douloureuse.
« Ni place Vendôme, chez M. Capitant, ni à Matignon, chez M. Couve de Murville, ni à l’Élysée, il n’y a eu la moindre réaction d’homme d’honneur » tel fut le constat amer de Pompidou. Deux rencontres avec le Général se passèrent mal. « Vous savez tout ce qu’il a trouvé à me dire, le père de Gaulle : ‘Pompidou, la presse est basse ! » confiait l’ancien Premier ministre à Viansson-Ponté.
L’implication de hautes personnalités gaullistes dans un complot visant à détruire Pompidou était indiscutable4. Le Général prêtait d’ailleurs une oreille complaisante aux rumeurs : « Les Pompidou se lancent trop avec les artistes et cela donne un genre qui n’est pas fameux. »
Aussi en janvier 1969, Georges Pompidou déclara-t-il publiquement son intention d’être candidat à la succession. Le président crut devoir répondre : « J’ai le devoir et l’intention de remplir mon mandat jusqu’à son terme. » La brouille était désormais publique et consommée.
LE SACRE RÉPUBLICAIN DE GEORGES POMPIDOU
Le jour de la prise de fonctions, le 20 juin 1969, Georges Pompidou suivit scrupuleusement le cérémonial.
En jaquette, il gagna l’Élysée où l’accueillit le Premier ministre sortant. Après avoir passé en revue la garde républicaine, il se dirigea vers le perron de l’Élysée où Alain Poher se tenait. En compagnie des présidents des assemblées et du grand chancelier de la Légion d’honneur, l’amiral Cabarier, il se rendit au salon des Ambassadeurs pour y recevoir les insignes de grand Maître de l’Ordre. Revêtu du lourd collier et de la plaque, il était désormais prêt pour le sacre républicain.
Sous la conduite du chef du protocole, il gagnait la salle des Fêtes où l’attendaient les corps constitués. Là, le président du conseil constitutionnel proclamait solennellement les résultats de l’élection présidentielle et l’intronisait officiellement.
Georges Pompidou pouvait dès lors prononcer sa première allocution officielle. Il s’inscrivit dans la filiation du Général : « Mon devoir m’est tracé par son exemple. »
Il ne lui restait plus qu’à accompagner le président par intérim sous le perron de l’Élysée. Une poignée de mains sous les flashes des photographes symbolisait la passation de pouvoirs. Président de plein titre, il allait accomplir quelques gestes éminemment régaliens : le passage en revue des troupes, la montée à l’Arc de Triomphe pour ranimer la flamme et fleurir la tombe du Soldat inconnu et enfin saluer le peuple massé aux abords de l’Avenue des Champs-Élysées
ARBITRE ET RESPONSABLE NATIONAL
Pompidou partageait la conception présidentielle du Général5.
Privé du charisme du fondateur de la Cinquième république, le chef de l’État sera amené à intervenir dans la direction de l’État de façon constante, permanente, et à maintenir par l’action quotidienne cette suprématie qu’il ne tiendra pas uniquement du suffrage universel.
Secret par tempérament comme beaucoup d’hypersensibles, Georges Pompidou avait un caractère autoritaire. Son air patelin, Raminagrobis disait François Mauriac, ne devait pas abuser. Comme il devait le confier à Alain Peyrefitte, il n’était ni Mac-Mahon ni Jules Grévy. Supprimant le cabinet, il fit du secrétaire général de l’Élysée son principal collaborateur. Parmi les conseillers, Michel Jobert comme Édouard Balladur étaient appelés à faire, par la suite, de grandes carrières gouvernementales. La montée en puissance des énarques, dont Jacques Chirac devait être le prototype, allait marquer son quinquennat.
Il choisit d’abord comme Premier ministre une figure politique de premier plan. Jacques Chaban-Delmas, gaulliste historique issu de la Résistance, était président de l’Assemblée nationale depuis 1958. Mais Chaban ne songeait nullement à remettre en question la tradition instaurée par de Gaulle : seul un « triste sire » répondit-il à Mitterrand refuserait de se retirer à la demande du Président de la république. Il abandonna ses fonctions sans réserve ni amertume dès que Pompidou lui fit part de sa volonté de changer de Premier ministre.
LA SUBORDINATION DU PREMIER MINISTRE
Jacques Chaban-Delmas avait fait une fameuse déclaration de politique générale le 16 septembre 1969. Se réclamant du gaullisme social, il évoquait une « nouvelle société ». Mais ce discours était trop abstrait et global pour un président partisan de réformes concrètes faites petit à petit. De plus, le chef du gouvernement avait parlé plus en président de la République qu’en Premier ministre.
Il resta de cette volonté réformatrice, la mensualisation des salaires, la transformation du SMIG en SMIC et le souci du dialogue social.
Néanmoins, la popularité de Chaban-Delmas lui permit de se maintenir en place. Le président se contenta de le court-circuiter en prenant en main la gestion des dossiers. Mais lorsque le Premier ministre décida de demander la confiance à l’Assemblée et obtint une écrasante majorité, le président se sentit menacé. Il accepta la démission de Chaban, trop à gauche à son goût, le 5 juillet 1972.
Le choix de Pierre Messmer marquera un retour à la conception du fidèle second. Ce gaulliste de la première heure, qui a déjà été ministre, avait l’avantage, outre sa parfaite intégrité, d’être un homme de devoir dépourvu d’ambition personnelle. Messmer refusa, d’ailleurs, de se soumettre à un vote de confiance de l’Assemblée soulignant combien le gouvernement émanait du Président.
LA FIN DES TRENTE GLORIEUSES
Sa présidence coïncida avec l’apogée des Trente Glorieuses. La croissance économique du pays était alors la plus forte d’Europe. Le niveau de vie des Français connaissait une hausse sans équivalent. Le bonheur était à l’ordre du jour. Une Belle époque se terminait, dont les Français ne devaient pas finir d’avoir la nostalgie.
Le bonheur du peuple tient en la prospérité. Et la prospérité c’est le travail.
Chantre du développement industriel, Georges Pompidou lança les débuts du train à grande vitesse, encouragea la construction d’autoroutes et la circulation automobile sur les berges de la Seine. Ayant travaillé dans le monde de l’entreprise, à la différence de tous les autres présidents de la Cinquième, il avait le souci de la modernisation de l’industrie française.
Il avait souligné, dès sa conférence de presse du 22 septembre 1969, sa volonté de libérer l’industrie « des contraintes excessives des contrôles a priori, aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public, et instaurer et valoriser l’esprit d’initiative et l’imagination ».
Il ajoutait : « Je sais bien que certains trouvent que la rentabilité est une notion basse, honteuse. Eh bien ! elle s’impose partout, c’est évident ; le nier c’est puéril. »
LA PRISON DORÉE DE L’ÉLYSÉE
L’Élysée restait une prison dorée aux yeux du nouveau président. Il se montra vite agacé par l’excès de cérémonial même pour une opération aussi simple que d’emprunter l’ascenseur.
Quand je suis arrivé à l’Élysée, il y avait quelqu’un qui m’ouvrait la porte, quelqu’un qui montait avec moi, qui pressait le bouton (…). Je me sentais comme une espèce d’infirme ou un paquet qu’on transporte. J’essaie de rester un homme.
Néanmoins, à l’âge de la communication, Pompidou devait être le premier président à se montrer dans l’intimité avec son épouse qu’il appelait Bibiche. Devant les caméras de télévision, Georges Pompidou sirotait son whisky avant d’évoquer son amour de l’art contemporain, la clope pendouillant à ses lèvres.
Claude Pompidou, antithèse de la femme au foyer qu’incarnait Yvonne de Gaulle, aimait inviter les artistes au « château » : Pierre Soulages y côtoyait Françoise Sagan, Guy Béart ou Yves Saint-Laurent.
Le mobilier de la salle à manger, du fumoir, du salon subit un furieux coup de modernité sous les doigts design de Pierre Paulin. Des toiles de Kupka et Delaunay ornèrent les murs du salon.
Mais esprit pratique, Pompidou fit édifier une nouvelle cuisine pour les repas servis dans les appartements privés : il voulait manger chaud !
UNE NOUVELLE POLITIQUE ÉTRANGÈRE ?
Ne partageant pas l’hostilité du Général à la communauté européenne, Georges Pompidou avait annoncé son intention de laisser entrer le Royaume-Uni dans la CEE. La conférence de La Haye en décembre 1969 adopta ainsi son programme « achèvement, approfondissement, élargissement. »
Il eut le souci également de réserver son premier voyage à l’étranger aux États-Unis. Il devait rencontrer plusieurs fois Richard Nixon. Mais il continua néanmoins la politique de bonnes relations avec le Bloc de l’Est. Il se montrait ainsi soucieux de maintenir un certain équilibre entre les grandes puissances.
CE MALADE QUI NOUS GOUVERNE
Dès 1972, la santé de Georges Pompidou s’était sensiblement dégradée. Il souffrait d’un mal proche de la leucémie, soigné par des doses massives de cortisone. Le 3 janvier 1973, il dut recevoir les vœux de la presse assis, ne pouvant se tenir debout. Les Français découvraient, peu à peu, à la télévision, le visage bouffi d’un président malade. Il dut annuler sa présence à diverses manifestations. Les communiqués de l’Élysée évoquaient pourtant imperturbablement des « grippes à rechute ».
Depuis l’automne 1973, la France ressentait les effets du « choc pétrolier ». Mais privé d’un président vraiment actif, le gouvernement donnait une impression de flottement. Le président passait alternativement par des phases d’irritabilité et de laisser-aller. Et Pierre Messmer n’était pas homme à prendre des initiatives.
Son dernier conseil des ministres se fit sous l’œil des caméras de la télévision. Le 21 avril, le conseil des ministres fut annulé, puis tous les rendez-vous présidentiels. L’annonce de sa mort fut faite dans la soirée. Ce fut un choc pour les Français.
« Je ne veux ni fleurs, ni couronnes, ni monument funéraire » avait-il bien précisé. Ses obsèques se déroulèrent donc dans la plus stricte intimité. Seuls y assistaient la famille, les membres du gouvernement et ses proches collaborateurs. Georges Pompidou fut inhumé à Orvilliers où il possédait une maison de campagne.
Le Centre Beaubourg, Notre-Dame de la Tuyauterie pour ses détracteurs, voué à la création moderne et contemporaine, devait être l’héritage posthume de ce président atypique.